Ou comment perdre de l'expérience de vie.

Les gens vieillissent. C'est comme ça.
Le temps passe.
L'eau, ça mouille.

Je les vois, ils s'inquiètent de leurs rides et ils se parent de bijoux en se promettant fidélité. Parfois, ils sont augmentés. Quelquefois, ils augmentent. Et ils enfantent. Et ils consomment. Et ils meurent. Et on remet ça. Et partout, et tout le temps pour toujours.

Je me demande si la vieillesse rime toujours avec la sagesse. J’espère pas.
Je les vois, ils prennent du bagage, de la culture et de l'assurance. Une autorité naturelle se dégage de propos qu'ils n'auraient jamais osé tenir quelques années plus tôt à cause de l'acné, par exemple. C’est discréditant, une apparence négligée, quand on veut dire des choses importantes.
Ils reconnaissent maintenant les bons vins au premier coup d'oeil, et les bêtises aussi. Raison pour laquelle ils en font moins, j’imagine. Raison pour laquelle, ils arrêtent de boire aussi, c’est possible.
L'expérience fait gagner de l’espérance de vie et un temps fou, on dirait.
Et comme c'est précisément ce qui manque à mesure qu'il passe, j'imagine que c'est positif, le gain de temps.

Je vieillis aussi, faut croire. Pourquoi échapperais-je à la règle? Je vieillis au milieu de connaissances qui ne sont plus au coeur de l'action, il leur arrive de plus en plus souvent de préférer un bon film à l'ouverture d'un bar, d’avouer parfois ne pas avoir compris l'engouement qu'un artiste aura provoqué, de camoufler l'essoufflement que 5 étages provoquent dans un corps qui, paraît-il, ne fait que décliner à partir de 30 ans pétants.

Je suis retombée sur une sorte de journal intime datant d'une époque où j'écrivais encore de manière lisible; l'école, mon quotidien d'alors, m'obligeant à un effort graphologique conséquent.
Je ne sais plus trop ce que je racontais, des choses essentielles, bien entendu, comme la nouvelle venue dont on se demandait si elle avait déjà couché ou le bulletin de notes que j'avais caché ou encore le beau gosse du lycée qui avait choisi ma table, à la cantine, et qui m'avait invitée au cinéma. Et puis, je parlais d'une amie que je ne voyais plus et pour cause: l'assemblée mondiale des divinités avaient voté et jugé utile de la faire tomber dans le Rhône après en avoir bu les Côtes.

A l'époque, je lui en avais voulu, à elle:
quelle fieffée salope, franchement, se mettre la tête au vin et vouloir se baigner après, se noyer et m'abandonner, MOI, seule au monde et les yeux bouffis de tristesse. Salope. Pute. Va te faire foutre où que tu sois. Pourvu que ce soit en enfer. En plus, on adorait Victor Hugo toi et moi, on connaissait Demain dès l’aube par coeur. Tu voulais que ta fille s’appelle Léopoldine. Et ma prof de français me surnommait Ophélie, tu t'souviens? Connasse d'ironie. Connasse de toi. Et puis,ta Léopoldine, heureusement qu’elle a pas eu une mère aussi minable que toi. T’auras au moins réussi ça, grosse merde.

Et je leur en avais voulu, à eux:
ça vous suffit pas de vous amuser avec des africains faméliques et des léopards qui finissent en manteaux, faut en plus que vous vous attaquiez à MOI et que vous poussiez mon amie d'amour à boire et à vouloir se baigner pour qu'elle se noie et qu'elle m'abandonne, MOI et ma tristesse et mes yeux qui vont exploser si ça continue? Connards. Enculés de cyniques. Brûlez pour toujours, et en enfer; et ne vous approchez pas de mon amie d'amour pour la foutre, vous méritez une castration et une lapidation et une humiliation et un écartèlement sur une roue et... et tout ce que vous avez inventé dans le genre pour qu’on vous déteste. Si je pouvais, je vous séquestrerai dans une pièce borne qui diffuserait du Cabrel en boucle.





Je voulais que tout disparaisse, le monde entier, le Rhône et moi. J'ai passé quelques jours en compagnie d'une humeur pas franchement commode, j’avais trouvé l’amertume pour remplacer ma meilleure amie et, dans mes rêves, l’amertume revêtait une apparence humaine pour nous permettre de percer nos index et mélanger nos gouttes de sang en nous jurant de toujours haîr toute la terre et de lui en faire baver, jusqu’à la fin des temps. Quand je ne rêvais pas, je noircissais les pages d'insultes plus imaginatives les unes que les autres. Les noms d'oiseau, c'est pour les enfants à côté du lot d'injures que je gravais là, bleu sur blanc, de cette écriture impersonnelle et régulière, dans un Clairefontaine décoré de tickets de places de cinéma et de mots d'esprit échangés en cours de bio. Logique.


Dans le cahier, à gauche, à l'aide d'un stick UHU, j'avais collé un papier où Joachim avait écrit "t'as vu les nouvelles Doc de Joséphine? C'est trop la honte!". Ce à quoi j'avais répondu, me trouvant certainement indiscutablement comique : "Elle s'achète des Doc quand nous on n'en met plus, c'est ça l'esprit d'équipe, comme à l’usine, on se relaie !"
En dessous, un ticket de cinéma, délavé. Parce que, vraiment, ç'aurait été dommage d'oublier que j'avais vu "Ace Ventura".
Et sur la page de droite, les insultes et, pour de vrai, l'encre qui a coulé à cause des larmes. Le ploc de la goutte a fait gonfler le papier et chialer les mots, eux aussi, y'a pas de raison.
J’ai passé la main sur le relief que mes états d’âme avaient modelé sur les feuilles, c’était une sensation plutôt agréable. Ca m’a fait penser aux papiers peints gondolés qu’on trouve chez les personnes en fin de vie.

A la toute fin de cet épisode, j'avais arrêté les confessions et abandonné le confessionnal au fond d’un énième tiroir inutile. Mais, quand je retombai dessus quelques mois plus tard, je rajoutai, avec une sagesse acquise en un temps record, donc, et d'une écriture nettement plus révélatrice de son auteure, c'est à dire illisible... j'avais rajouté:

"Je viens de me relire. C'est comme si c'était pas moi. Peut-être sommes nous vraiment plusieurs nous-même dans une vie qui se découpe dans des décors différents. Aujourd'hui, je me trouve abjecte d'avoir pu dire des choses pareilles. C'était la faute de personne, même pas Voltaire, surtout pas la sienne à elle. Et je réalise que j'ai pas mal roulé ma bosse sur la question en seulement (attends, je compte) 8 mois. Alors je me dis que si c'est ça, vieillir, si c'est vivre en comprenant tous les jours un peu mieux, alors et bien, vieillir, c'est cool, et je veux bien essayer. "

Entendons nous bien: d'accord, j'avais un journal intime, d’accord je le tutoyais en lui disant "attends", d’accord je faisais déjà des jeux de mots limites, mais j'avais cependant saisi quelque chose, du fin fond de mon adolescence dorée à chaussures militaires, quelque chose que j’imaginais déterminant pour mon entrée dans le super monde des grands:

Vieillir, c'est cool.

Cool comme un groupe de rock.
Pouvoir être vieux et chanter comme un jeune étalé dans le caniveau, ouais, ça serait pas mal "cool" comme ils disent.

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Mais, alors qu'à l'époque il fallait qu'on éclaire mes lanternes constamment, parce que j'étais comme qui dirait esquintée de me cogner partout dans le noir, aujourd'hui, j'ai peur d'un jour avoir tout compris, trop compris, et qu’il fasse toujours jour d’une lumière aveuglément transparente et blanche comme les matins où il ne fait ni beau ni moche et qu’on ne sait pas quoi se mettre, sinon la couette, à nouveau, sur la tête.
Peur donc, non pas de vieillir mais, voilà, d'être vraiment vieille pour de bon.
Apprendre, d’accord, j’en suis. Mais si c’est pour m’assagir, là, je ne sais pas.
Prendre de l’assurance, pareil, je prends. Mais ne plus douter de rien... j’hésite.
Tout ça finit quand même noyé par des traitements contre l’arthrose et des verres à dentiers, on me fera pas croire qu’il y a quelqu’un que cette finalité excite.

J’ai l’impression, aujourd’hui, d’avoir l’âge parfait, qu’on fera jamais mieux.
Parce que ma petite expérience m’a appris à me dépatouiller d’encombrements ridicules, je ne prends plus en considération un paquet de détails qui, accumulés, réussissaient auparavant à me gangrener. Par exemple, les filles qui critiquent ma manière de vivre, les adjectifs qu’elles m’accordent, les regards au laser qu’elles déposent de mes pieds à ma tête et dans le sens inverse et plusieurs fois tant qu’on y est. On peut dire que c’est le temps qui m’aura appris à en rire, peut-être même à m’en délecter.

Alors que quand j’avais 15 ans,
je faisais comme si rien ne me touchait, bien sûr, mais, le soir, moi aussi je me sondais, tout partout, essayant vainement de percer le mystère selon lequel certaines de celles que je considérais comme mes consœurs me jaugeaient avec autant de méchanceté.

Les garçons qui laissent leurs chaussettes à côté des croissants, je dois l’avouer, il y a de ça quelques années, ça avait le don de me mettre en rogne et, avec un peu de chance, d'éventuellement me gâcher ma journée. Avant même d’avoir bu une gorgée de café, ça fait un peu dur à supporter, vous ne me contredirez pas.
Je m’évertuais à expliquer que: non, quand on est un être humain, à une époque où les machines à laver existent, surtout si on prend la peine d’aller acheter des viennoiseries pour notre chère et tendre ce qui prouve qu’on n’est pas le dernier des rustres, non, on ne peut décemment pas mélanger les torchons et les serviettes sans s’attendre à un retour de manivelle. Je montrais le panier à linge sale en demandant à quoi il était censé servir, alors hein, un peu comme une mauvaise instit’ frustrée. Il prenait l’air du cancre qui comprend à moitié et méprise encore plus.
J’expliquais et tout en expliquant, je comprenais le sens de l’expression «pisser dans un violon» et le fait que moi-même, finalement, je m'en foutais pas mal.
Aujourd’hui, un garçon qui laisserait son linge sale à côté d’un croissant pur beurre qui sort du four, je le renverrais chez sa môman, tout simplement.
Ou alors, si je l’aimais vraiment fort fort fort, je me débrouillerais pour trouver un violon et y pisser dedans, devant lui. Histoire qu’on en rigole.

Parce que j’ai cet âge parfait où l’humour et la légèreté ont le dessus sur «tout», puisque «tout» le reste volette péniblement au ras des pâquerettes OGM.
C’est pour ça que je suis jeune, aujourd’hui, là tout de suite, pour toujours.

Je veux bien apprendre encore, savoir, découvrir. Je ne veux que ça, évidemment, il n’est pas question que je m’enferme dans un endroit où le monde ne rentrerait pas et où j’essaierais d’interdire au temps d’avoir une prise terre sur mon nuage.
Mais j’aimerais juste qu’on me propose un bout de papier, un contrat où je pourrais signer pour être sure que jamais tout ce que j’aurais stocké dedans moi ne m’empêchera de rire de tout. Ou d’ être triste pour un rien.
Je veux que toujours ce soit comme ça.
Je veux que jamais le journal télévisé ne me fasse plus aucun effet. Se blaser, c’est mourir un peu. Je veux que jamais je casse de la vaisselle anglaise pour un problème de ménage pas fait. Se tromper de colère, c’est s’enterrer avant l’heure.
Je veux pas qu’ils gagnent, les délavés, les flous, les fades. Je veux pas d’une vie micro ondes, voilà; les extrêmes ça me fait pas peur, au contraire, ce qui me terrorise c’est le calme sournois du juste milieu très comme il faut au sein duquel, sans qu’on s’en rende compte -parce qu’ils ont bossé des années sur le concept- les murs se resserrent et finissent par nous étouffer alors qu’on savait même plus si on respirait encore de toute façon.

Il faut pas que j’oublie: un jour je serai vieille et on ne m’arrêtera plus dans la rue.

--Mademoiselle?
J’enlève mes écouteurs. (enfin, par méfiance civilisée, je n’en enlève en fait qu’un)
-Oui?
-C’est pour un renseignement...
J’enlève l’autre écouteur tout en me disant qu’on va encore trouver le moyen de me demander la direction d’une rue que je ne connais pas dans un quartier où j’habite depuis 5 ans.
-Oui?
-La rue de la plus belle femme du monde, c’est ici non?
Je ris, je ris d’un rire que la plus belle femme du monde n’aurait jamais validé, elle l’aurait jugé trop enfantin, trop spontané, bruyant, jeune en somme. Et la plus belle femme du monde n’est pas jeune, pas vieille non plus, elle n’a pas d’âge, elle est née à 33 ans et mourra à 33 ans en ayant épuisé des siècles de virilité entre temps. Et je remets mes deux écouteurs avec juste le temps de l’entendre me dire «bah quoi, c’est un beau compliment non?», ce à quoi je réponds de dos, tout en marchant, d’un signe du pouce. Vers le haut, le pouce.

Un jour je serai vieille et on ne m’arrêtera plus dans la rue.

Un jour, je passerai dans une rue pour aller m’acheter mes prolongements de vie, et fatiguée par trois petits pas dans des chaussures à semelles orthopédiques, je m'assiérai sur un banc. Si on a daigné en laisser quelques uns d’ici là. Reprenant mon souffle sans même plus m'inquiéter du vacarme que mon organe vital jouera, je verrai arriver à ma gauche un jeune homme plutôt appétissant, je me dirai certainement que je suis ridicule de regarder encore les jeunes hommes qui donnent faim alors que je n’ai plus de dents. Et à ma droite, je verrai apparaître une jeune fille poivrée du genre qui plaît aux jeunes hommes en sauce. Ils se croiseront devant moi et là, le Lui, il dira à la Elle un truc que je ne comprendrai qu’à moitié, parce qu’à mon époque, on se parlait pas comme ça, les expressions m’échapperont, mais pas le ton. En substance, je comprendrai qu’il lui demande si la rue de la plus belle femme du monde est bien celle ci. Ca me fera d’un côté un pincement à l’oreillette gauche de mon coeur et de l’autre un frisson de plaisir, c’est à dire dans celle de droite, si vous suivez. Je me sentirai et tutrice et complice et témoin et pucelle de l’instant. Et puis, en partant, la jeune fille remettra son sac sur son épaule d’un geste un peu brusque et sans s’en rendre compte, me bousculera, au niveau du visage, avec la lanière d’un cuir à la mode. Enfin, elle, elle aura cru acheter un cuir mais on me la fera pas, mon grand âge me permettra de démasquer une assez bonne imitation. Au visage hein, le coup de sac, ce qui est assez humiliant. Tout le monde sera parti, personne pour me faire de compliments, ça j’aurais compris, mais même pas quelqu’un pour venir me demander si ça va, si c’est pas trop horrible de passer du côté de la vie où plus rien ne se passe, où on devient transparent et où, finalement, on passe notre temps à attendre que ça finisse.


Pourtant, si quelqu’un venait me demander tout ça, j’espère, j’espère incroyablement fort que je répondrai que si. Oui, c’est dur de ne plus être dans la vie quand on est encore vivant, d’après ce que dit le médecin. Que, bien sur, c’est l’enfer d’assister à deux beaux corps qui s’interpellent le temps de se rendre à deux métiers qui présagent d’un avenir alors que nous, on travaille plus, et que notre avenir, il a plus de futur comme auraient les punks de notre génération. Qu’évidemment, on sait que ce genre de saynète ne nous comptera plus parmi ses personnages principaux et seulement parce qu’il suffit de baisser les yeux vers nos mains pour voir que toute notre peau baisse la garde, qu’on tombe, qu’on pend et que, de toute façon, si quelqu’un venait à nous aimer bibliquement, on n’aurait même pas le souffle pour assouvir une demande pareille.
Que, pour de vrai, devenir spectateur d’un décor où on était vedette, c’est pas le paradis.
Mais, ce qu’il faudrait dire, plus que tout ça, c’est que, ça nous rend triste. Et heureuse. Triste et heureuse, pour les mêmes raisons. Des raisons semblables qui font seulement appel à des pans différents de notre mémoire et trouvent toujours la même sensibilité dans la corde qu’on croyait cassée. Le bordel quoi, mais justement: tant mieux. Le bordel c’est à dire pas la vieillesse qui pourrait simplement ne pas voir des gens s’interpeller dans la rue, laisser le JT défiler sans que la gorge ne se serre à l’image de fosses communes qui manifestement veulent continuer d’exister, ne pas vous répondre jeune homme, pour vous dire que, à une époque, je me disais que si vieillir c’était arrêter de ressentir, alors je ne voulais pas.
Aujourd’hui je ressens, -j’ai que ça à foutre vous me direz- je ressens et je suis triste, triste à en crever parce que plus jamais on ne m’arrêtera dans la rue et que je le savais déjà quand j’avais l’âge parfait. J’ai des sensations, je les partage avec vous. Je peux être, disons... connectée avec un jeune.Je peux être, disons... connectée avec un jeune pour ce genre de raison. Et même si ça se trouve, ce jeune aurait tout donné pour me rencontrer jeune.



-Et comment ! ... C’est quoi l’âge parfait?
-27 ans.
-J’ai 26 ans.
-Pour moi c’était l’âge parfait mais ça peut être quand on veut. Quand on peut surtout.
-Ca pourrait être 26 ans?
-Si vous vous arrêtez pour me parler et qu’après que je vous ai dit ce que je pensais vous vous sentez rempli de toute la terre et à la fois très seul, vous serez au poil.
-Ah ouais, vous dîtes «au poil» quand même.
-Je t’emmerde, je dis ce que je veux, je suis vieille, tu me dois le respect.
-Je vous respecte. Continuez, je vous ai coupée.

Je chercherais, ma tête suivrait plus trop. Je retrouverais quand même parce que c’est important, j’aurais peut-être pas une autre occasion de le dire.

-Vous disiez que vous saviez à l’âge parfait qu’on ne vous arrêterait plus dans la rue...
-...Oui, je sais ce que je disais quand même! Et que donc, je savais que ce serait triste mais ce dont j’avais peur, c’est précisément de ne pas l’être, triste. De ne plus ressentir. De laisser les choses vivre devant moi, de ne pas être concernée. J’ai été triste, là, et heureuse à la fois, c’est à dire que j’ai été vivante vous trouvez pas? Ne rien ressentir et m’être simplement dit «zut, si j’ai un bleu avec le coup de sac que cette j.e.u.n.e. m’a donné, je suis pas sure que la pharmacie aura de la pommade en stock». Ca ç’aurait été être déjà morte. Vous trouvez pas?

-Pourquoi vous me vouvoyez?
-Parce que vous êtes le chef.
-...Le chef?
-... Permettez moi de sourire. Je découvre qu’être vieille c’est aussi faire des blagues à retardement. Quelque chose que vous comprendrez plus tard, sur ce banc peut-être. Et ...
-Et je penserai à vous!
-Et vous penserez à moi.
-Et je vous appellerai pour vous dire «ça y est j’ai compris le clin d’oeil»
-Vous ne pourrez pas parce que je serai morte et incinérée depuis un bail mais penser à moi me maintiendra vivante et le petit vieux que vous serez ressentira un peu de sa jeunesse, à ce moment là.
-C’est génial.
-Je n’irai pas jusque là.
-Vous iriez jusqu'où?
-Jusqu'au bout, comme d'habitude.
-Ben alors?
-Jusqu'au bout oui, mais pas jusqu'au mensonge. Pas jusqu'à vous dire "oui, c'est vrai c'est génial".
-D’ailleurs où alliez vous, là?
-Au bout, comme d'habitude.
-Non mais sérieusement.
-Ah, on parle sérieusement? Rholala,c'est assommant. Bon, alors et bien, je rentrais. Ou peut-être que j’allais à la pharmacie, tiens. Je ne sais plus.
-Je vous raccompagne si vous voulez. Vous n’avez pas peur que je vous vole votre sac à main?
-Je n’ai jamais peur, c’est un peu mon problème.
-Ok, je vous raccompagne, c’est où?
-Je ne sais pas.
-Non mais, chez vous, c’est où?
-Je ne sais plus.
-...
-...
-...Ok, allons à la pharmacie alors.
-Vous voyez, vous êtes triste pour moi. Et moi aussi. On est vivants.
-C’est déjà ça...
-C’est tout ce qu’on demande surtout.

-maispastrop-

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