J'ai deux humeurs: la mauvaise, et Paris.



Le retour à Paris dont tout le monde se plaint me ravit.
La fin Août, que d’aucuns consacrent à dilapider en enjambements de vergetures sur des plages embouteillées, m’offre un horizon dégagé sur le bitume, une température modérée et une faune triée sur le volet.


Il s’avère de plus en plus difficile d’apprécier cette satanée cité tant elle se laisse envahir par des mécréants, aussi je ne vais pas cracher sur les quelques semaines de répit qu’elle se paye et que je m’offre. Je pestais, avant, contre la fermeture des tabacs et l’invasion des amerloques, mais, j’ai appris, depuis, à garder mon rythme de vie estivalier en plein Belleville. Il suffit presque de penser «vacances» pour s’y sentir comme tel; ne pas trouver mon buraliste en bas de mon chez moi ouvert et devoir pousser le pas 150 mètres plus loin est un acte, si l’en est, qui ne diffère en rien des habitudes de plagistes que les parisiens adoptent si facilement, et avec un si grand sourire béat. Considérer le dimanche comme un jour mort, consacré au seigneur et au dieu Alka Seltzer, est supportable ici aussi. Puisque là bas j’achetais mon poisson le samedi, en prévision du jour super fermé sans Hyper U, pourquoi ne pas anticiper ma boîte de nuggets 48 heures à l’avance ici aussi.  ? Quant aux citoyens américains, je sais maintenant que grâce à eux, et à leurs dollars dépensés n'importe comment, les musées de ma ville ont des murs propres. Donc bon.

J’arrête de pester contre cette ville, c’est outre décidé.
Ca ne m'amuse plus, cette horde sauvage toujours prête à couler ma cité.
Je l’aime parce qu’elle mérite d’être aimée.
Je ne laisserai plus personne dire le contraire.



Et puis, l’été, c'est pas trop ma came, faut dire.
C’est pas pour faire ma snob, mais quand même.
Ca n’a jamais été de nature à m’émoustiller, la perspective d’avoir à côtoyer du gras double torse nu au rayon Pastis de Carrefour. Ca me fait pas bander davantage, l’obligation de devoir partager mon lopin de sable avec les 3 petits derniers qui n’ont pour unique amusement que d’envoyer du sable sur mon bouquin et dans mes yeux. J’ai rarement trouvé alléchante la vue des cartes de restaurants qui augmentaient de 3 € pendant 2 mois leurs plats traduits en mauvais anglais.
Vous me direz, si j’avais ma maison à moi, dans les terres un peu, isolée en quelques sortes, avec une piscine et un petit jardin, tout ça, ce serait un autre son de cloche. J’aimerais l’été, par conséquent.
Que nenni.
D’une, si j’avais ma maison à moi, dans les terres un peu, isolée en quelques sortes, avec une piscine et un petit jardin, j’aimerais à peu près toutes les saisons, et la vie en général, et les gens, par dessus le marché.
De deux, j’y passerais alors certainement le plus clair de mon temps, à ne pas confondre avec "le plus chaud de mon temps", et je garderai le privilège des V(raies) I(solées) P(ersonnes) du mois d'Août à Paris. Paris serait ma résidence secondaire. Absolument.

Mais je n’ai pas ma maison à moi. Et les geignards rentrent au bercail.

Ils reviennent avec des tshirts INY, Singapour, Calvi, Maubeuge.
Mon dieu.
Ils disent que Paris est sale, que Paris est chère, que Paris est snob. Ils disent ça à plusieurs, ils tombent tous d’accord pour une fois, ils souillent Paris dans un bar sale, cher, et snob. Un bar dans lequel ils vont tous les jours. Savent-ils seulement que rien de rien ne se fait ici bas si on doit construire sur du dénigrement passif? Imaginent-ils une seconde que les mondes dont ils rêvent sont remplis de personnes qui, le matin, ne prennent pas leur café pour supporter leur journée mais pour la rendre unique? Voudraient-ils qu'en plus de ce que le monde se plaît à dire, à raison, sur l'hygiène, le racisme, la prétention et le sentiment de supériorité des parisiens... le monde y rajoute le fait que, d'ailleurs, les incriminés sont incapables de s'en défendre et s'en sortir puisqu'ils sont partisans du rien...? Le voudraient-ils?
J'aime l'ironie, l'insolence et l'alcoolisme des parisiens, j'aime leur magnifique toupet, et leur incommensurable inconscience. C'est pourquoi, d'après moi, ceux d'entre eux qui se plaignent de Paris d'Août à Octobre ne sont que des petits pélerins perdus qui doivent trouver leur mecque et s'y faire les genoux ou panser de mille Compeed les ampoules qui les mèneront à leur saint jack de daniel.

Il y a quelques temps de ça, je m’étais renseignée sur le prix que coûterait la confection d’un tshirt sur lequel serait écrit «Et bin retournes-y, glandin». Je me disais que ceux qui devaient me comprendre me comprendraient. J'aimais bien l'idée qu'on se croise, eux et leur tshirt, et moi et le mien. ...Il aurait fallu que j’enlève «glandin» pour que la plaisanterie ne soit pas au-dessus de mes moyens...



J’en ai marre, marre marre marre de les entendre se plaindre, au retour des vacances. De supporter leurs regrets de ne pas être resté, d’être rentré, de "quand est ce qu'on repart?" et "il fait trop moche, quoi!".  Sans même parler de l'accent nonchalant avec lequel ils larmoient les yeux secs, l'âme vide. Un accent qu'ils ont pris, "là bas".
Là bas où on se foutait bien de leur gueule/accent/ville.

Le pire, le pire du pire, c'est qu'en les écoutant, en décidant de, pourquoi pas, leur donner la chance d'exprimer peut-être une véritable pensée, on réalise qu'ils ne font que regretter un endroit où ils ont passé 2 mois avec des parisiens pour des parisiens. C'est fou. C'est complétement fou, en fait. En vrai, non mais, attendez, si on réfléchit 2 secondes, c'est tellement fou. Ca veut dire que:

Salut, je suis parisien, je m'en vais en vacances, je suis trop joisse.
Salut je suis parisien, je rentre de vacances, je suis trop down.
-Ah merde. Mais pourquoi?
-Bin, tu vois, là bas, c'était... Pfiouh.
-Mmmmh. Ouais. Mais encore?
-Pfiouh.
-"Pfiouh" ne veut rien dire, ok? "Pfiouh" peut être assimilé de plein de manières différentes. Par exemple, moi, là, je me dis que "pfiouh, tu t'es fait chier quoi!"
-Non mais t'es folle!
Le parisien réagit super vite quand on a pas compris sa crâne. Super, super vite.
-Alors "pfiouh" quoi?
-Pfiouh, le festival, les concerts, les potes...
-Mmmmh.
-Non mais même les backstages quoi.
-Les backstages aussi étaient "pfiouh"?
-Les backstages étaient ûber Pfiouh.
-En gros, ce qui était Pfiouh, c'était de vivre à Paris au bord de la mer?
-Quoi?
-Pffff.........

De la colonie de vacances à la colonisation de vacanciers, il y a une légère frontière que le rustre ne manque jamais de dépasser.

Ils reviennent, qu'à cela ne tienne, je m'en vais. Vraiment, leur bronzage exagéré me fait pâlir de nausée. Sans compter qu'il dissimule trop mal leur tristesse, il me rappelle les fonds de teint trop épais sur les femmes fatales vieillissantes.
Il y a des trains tous les jours, certains d'entre eux se dirigent même vers des endroits où les parisiens ne sont plus.
Salut la compagnie.

Je reviendrai quand mes congénères -et dans "congénères", il a y "génères"- auront fabriqué du projet, du futur et de l'effervescence au lieu de se croire nostalgiques et de ne pourtant faire écho à aucun passé, aucune histoire, seulement de l'ennui. Je reviendrai parce que très vite, bien plus vite que prévu, Paris me manquera. Paris manquera à ma vie. A mon quotidien. Quand je pourrai à nouveau supporter qu'elle vaille plus que ses lâches disciples et ses nombreux traîtres.

C’est le seul problème de Paris: elle est infestée de Parisiens. De Parisiens qui ne l’apprécient pas à sa juste valeur. Non, parce que oui, Paris a une valeur, n’en déplaise aux sceptiques.
 


























Comme je les déteste. Je les déteste allégrement. Je les conchie, même, pour être tout à fait honnête. Je ne veux pas être des leurs. Plutôt crever. 
A mon retour, revigorée par l'iode et rassasiée de calme, je leur rappellerai qu'ils oublient régulièrement un détail, ces parisiens qui n'aiment rien, c'est qu'en retour, personne ne les aime davantage. C'est bien fait pour eux.

Je ne suis pas loin de rouspéter contre tout et tout le monde, il semblerait.

C'est que je suis parisienne, oui monsieur.
Et que j'aime ça.




 -maispastrop-

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je haime ce texte