Pour du beurre. Du beurre salé sur du pain de seigle. Et quelques huîtres, c'est pas de refus. Ah du Pouilly Fumé? Oui, une bouteille, allez.

Qui a eu le premier l'idée de mettre des échalottes avec la viande rouge?
Des câpres même? De la préférer saignante, bleue, à point? Qui a pensé à dessiner ce qu'il regardait au lieu de simplement le voir? Ecrire ce que sa tête ruminait? Qui a ruminé avant les autres? Et d'où vient l'idée de créer du superflu, du dispensable, du luxe? Qui a décidé que ça s'appellerait la culture? Qui s'est ennuyé à regarder sa compagne en se disant que ce serait rigolo de lui mettre du rouge sur sa bouche? Est ce que celui qui a dit "je chie sur une toile, c'est une oeuvre d'art, oui oui" avait tort? Et celle qui décide de congeler son amant mort trop vite?

Il y a plusieurs milliers d'années, j'aurais mangé avec les mains un animal que j'aurais tué moi-même, recouverte d'une peau de mammouth à l'odeur plutôt douteuse, les cheveux en pagaille et du poil aux jambes. Après quoi, j'aurais été bien trop fatiguée pour que le coucher de soleil ait un quelconque effet sur mon romantisme, et encore il aurait fallu que je ramène le bétail et que je me reproduise avec un type qui me l'aurait imposé. Et puis de toute façon, le mot "romantisme" n'aurait pas encore eu de sens. Comment je me serais débrouillée pour faire de l'oeil ou lancer un bon mot au milieu d'une conversation agitée, hein, je vous le demande.

2008. Deux mille huit.
Il n'y a plus que ça qui me fasse un tant soit peu d'effet: les détails, ce dont on pourrait se passer mais qui fait la différence, le petit rien, l'accessoire.
L'essentiel m'apparaît principalement secondaire.

Je veux la cerise et pas forcément le gâteau. J'aime mettre les points mais je vous laisse les I. Qu'importe la robe pourvu que les chaussures s'entendent avec le sac. Le point virgule qui renseigne mieux que les 10 mots précédents. Les regards d'inconnus sur lesquels on ne se retourne pas. Les silences dans les films bavards. La respiration prise avant le refrain. Les insomnies. Les feuilles blanches. Les poémes appris par coeur.Et la mèche qui tombe sur l'oeil en s'accrochant sur le cil qui la fera valdinguer au gré de ses clignements, nous détournant de ce que la bouche dit.
Dire "pardon, tu disais?" à quelqu'un qui vient de prononcer pour la première de sa vie j.e.t.a.i.m.e., parce qu'on regardait ses mains valdinguer d'anxiété sur la tasse un peu cracra du café du coin.
La liste de mon pense-bête est une offense aux pays sous-développés, en voie de développement, pardon: elle met en priorité les moleskines, les expos qui se terminent bientôt, une bonne bouteille de vin. J'oublie parfois d'acheter solide, de penser utile. D'agir productif. D'agir tout court.

On est là, grâce à un ticket magnétique payé par 1 heure de travail à vendre des choses à des gens qui ont besoin d'autre chose, devant un tableau, peint par un type qui avait à peine de quoi payer ses pinceaux - parce que oui, c'est souvent le cas- et on dit des trucs. Après, on ira boire l'apéro avec d'autres individus et on partagera nos avis. Enfin "partager", c'est beaucoup dire. Disons qu'on s'en débarrassera. Des choses resteront, d'autre pas et peu importe, c'est pas important.
Chouette dimanche!
Ce qui entend le plus de bêtises sur cette terre, après les citoyens en période électorale, c'est très certainement la Joconde. Chacun y va de son petit avis. Elle fait quand même bonne figure, la coquine. Mais voilà, on l'a comprise, l'origine de son sourire, partagé entre l'absurdité de se voir figée sur toile , l'accablement de tout ce qu'on en dit et le plaisir de nous l'imposer, vaille que vaille, au fil des générations.
Qui sera le premier à avoir l'idée d'enregistrer tout ce qu'il se dit sous le plafond de la Sixtine?
Qui sera celui qui en fera une oeuvre d'art?
Des films, des livres, des concerts, des conférences, des débats, des vernissages, des dégustations, des inaugurations, des disques, des documentaires, des psychanalyses, des voyages, des manifs, des blogs....... J'ai faim et soif de ça. Je respire ça. Je fais caca ça.
Et, bien sur, c'est parce que j'ai de quoi manger et boire, surtout boire, et me loger aussi. Tout juste assez pour ne pas m'en soucier.
Il paraît que les limousines s'ennuient pendant que les deux chevaux essaient de tenir la route.
Mieux vaut rire dans une 2 chevaux que pleurer dans une limousine, donc.
Celui qui trime a besoin de l 'autre, l'autre qui a le temps de raconter ceux qui triment alors que, en fin de compte, il ne sait pas vraiment de quoi il parle. Leo de V avait besoin des critiques incapables de dessiner un oeuf reconnaissable; même pour en dire pique-pendre. Les créateurs de mode ont besoin des enfants du tiers monde qui vivent dans des bouts de sacs à patate, si si, je vous jure, ça les inspire pour les défilés printemps-été. Pas hiver quand même, faut pas pousser. Les cuisiniers ont besoin de moi qui crie au génie dès qu'un tartare est réussi, qui va embrasser le chef qui m'a convaincu d'associer ce vin et cette viande. Et moi j'ai besoin de ça, vibrer sur un bout de boeuf qui n'a rien demandé. Sentir des frissons dans le creux des genoux à la découverte d'un nouveau musicien, des accords qui étaient pas possibles avant, et rester prostrée devant l'incroyable vérité que quelqu'un que je n'ai jamais connu a écrit dans un bouquin que je sers fort contre moi. Avec lequel je vais m'endormir. Besoin de ça parce que sans ça, je suis rien, rien ne vaut rien.
Parce qu'en vérité, bande de "comme moi", qu'est ce qui nous sauve quand ça va pas et que merde, on a envie de taper du poing sur la table? C'est cette musique, cette ville où on est allé, ce livre qui n'attend que nous pour continuer.

C'est à ça que je suis réduite. Ca tient à pas grand chose.
Besoin de vous le dire aussi, manifestement.

Mais veiller, veiller à ne pas tout confondre. Ne pas oublier que le mot indispensable n'est que "dispensable" affublé d'un préfixe (par qui, tiens, d'ailleurs?), qu'il était pas là en preums. Croire, avec tout son coeur, que sans les autres, y'aurait simplement rien. Et que rien, c'est chiant. C'est précisemment pour ça qu'on a inventé les assaisonnements, les incipits et les outro musicales.

Est ce qu'ils cherchaient la beauté absolue? Essayer d'atteindre la beauté qui scie les jambes et coupe le souffle, la beauté qu'on vit obligatoirement seul face à une dimension tout à fait impossible à mesurer, bien trop grande. Une sorte d'âme soeur idéale.

Le résultat, ça compte pas vraiment en fin de compte.
Ce qui fait vivre c'est tout ce qu'on fait pour ne jamais y arriver complètement, à ce résultat.

Tout ça parce que tout à coup, l'effarante interrogation dans ma gueule: pourquoi t'écris, toi, petite crotte de mouche entre les mouches?

Tout ça parce que l'écrasante réponse: pour rien.

-maispastrop-

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci, Merci
Merci au hasard d'internet de faire passer mon chemin par ici
Et Merci à vous, à toi, pour ces textes,
Que du bonheur.
Je n'ai jamais rien lu avec autant de plaisir, autant de curiosité, et me voilà à passer tous les jours avide de nouveauté!
Encore, ENCORE! (v'la qu'elle exige maintenant, l'impertinente!), ben oui, et même pas honte! Je suis en mode égoisto-tout-pour-ma-gueule et ce blog c'est mon p'tit plaisir, mieux que du chocolat et une bouteille de vin.
Merci
Bonne journée