...et la caravane passe...

Pourvu que le chauffage soit allumé.


J’ai les doigts encore envahis de la fin Décembre.
L’engourdissement me rappelle les fois où après que les hôtes d’un dîner soient partis, je réalisais en rangeant que les quelques verres de vin (j’entends les quelques verres de trop) avaient occupé mon temps et découragé mon envie d’écrire. L’hiver passe souvent en pages blanches, à force de devoir plier mes doigts, puis les déplier, puis souffler dessus, puis sautiller, puis mettre un disque, puis danser, puis répondre au téléphone puis avoir faim, puis... réaliser que je m’étais couchée au lieu d’écrire, tout ça à cause d’une paralysie digitale partielle. C’est comme si mon âme résidait dans mes dernières phalanges. Et qu’on me l'anesthésiait à grand renfort de températures négatives.

La différence de taille, aujourd’hui, c’est que je rentre certes frigorifiée mais sobre comme un mormon et munie d’une paire de gant. Oui, parce 2 pintes, et 1 double pastis, pour mon foie, c’est une blague de débutant. C’est comme ça, n’est pas cow boy qui veut. Et même qu’il arrive que soient cow boys ceux qui ne le voulaient pas tant que ça. La preuve.
Bref.
Et le bout de mes doigts n’a pas froid, au contraire, il s’échauffe d’impatience, il frétille et souffre presque en sentant le désir du clavier gonfler si fort sous son ongle.

J’espère quand même que j’aurais pensé à allumer le chauffage avant de partir, après m’être préparée, histoire qu’il ne fasse pas plus froid chez moi que dehors. Je croise les doigts opérationnels.

Ma porte s’ouvre sur une vague de tiédeur bienveillante et j’ai une pensée furtive mais vraiment compatissante pour ceux qui peignaient ou écrivaient ou réparaient des voitures dans le froid, à l’époque où c’était pas franchement eau et gaz à tous les étages.
Je laisse l’air sibérien sur le perron et j’ouvre la boîte de pandore MacBook.

Malgré le plaisir sensuel que je ressens à faire glisser les stries de mes empreintes digitales sur l’Azertyuiop, je n’arrive pas à l’exprimer; toutes mes pensées sont envahies par l'énervement que j’ai éprouvé ces derniers jours à devoir évoluer au milieu de pattes qui courent de grands magasins en vendeurs de sapins, de bras chargés de bolduc et de papiers cadeaux au goût franchement douteux et aux têtes remplies d’étoiles sans qu’on sache vraiment pourquoi. Quant aux bouches déblatérant des monologues hantés par 2 dates qui, si l’on en croit l’engouement général, doivent forcément posséder la clé du bonheur ou peut-être la recette contre la faim dans le monde, elles ne me poussent qu’à appréhender davantage le 25 et le 31 de ce mois.

C’est pas une histoire de famille, d’en avoir ou pas, même si, la mienne, de famille, se résume à une génitrice et trois félins; ça fait pas beaucoup de cadeaux les félins en plus, 25 décembre ou pas. La famille, c’est pas la question. J'ai connu les grandes tables remplies au point qu'on ne reconnaisse plus bien quel est ce cousin là bas au bout. J'ai connu ça et j'en suis revenue. Pour preuve: ma famille constituée d'une génitrice et de 3 félins. Si on y regarde de plus près, c'est pas si sacré que ça le lien de sang, je vous jure; ça se renie en 2 temps 3 mouvements.

C'est pas une histoire de parenté donc, ou même de foyer. C’est principalement une affaire de sommes d’argent aberrantes, d’hypocrisie de belles doches, de vantardise de vaisselle de Limoges, de bêtisiers et de best of, de personnalités de l’année qui sont toujours les mêmes ignares et d’enfants qui ne pourront pas crâner à la rentrée parce qu’ils n’ont pas eu la bonne marque. C’est une histoire de dictature émotionnelle et de compétition de bonheur. Tout ça dans un pays qui se prétend laïque mais qui ne peut s’empêcher de balancer pub pour parfum sur pub pour bijou en l’honneur d’un type qui n’en portait sûrement pas beaucoup et que tout ça dégoûterait outre mesure si l’on en croit les rumeurs circulant à son sujet.



Quelques amies néanmoins m'attendrissent par l'enchantement enfantin avec lequel elles attendent l'événement. Mais on n'est pas des enfants, en décembre, on est des portefeuilles. Et l'enchantement ne dure que le temps d'une chanson.

http://www.deezer.com/en/#music/result/all/barbara%20noel


-Et toi, ton Noël?
-Bah, bien, ouais.

-Ah, «bien» c’est tout?

-Oui, enfin, c’est à dire, très bien mangé, bien bu, et voilà quoi.

-Ah... Désolé.


M’enfin, voilà autre chose. Je n’ai en effet pas eu à subir les nouvelles guirlandes lumineuses criardes sur un sapin d'élevage au pied duquel des enfants bruyants déchireraient des paquets aux imprimés crétinisants qui regorgent d’inutilités fabriquées par d’autres enfants qui n’ont jamais eu vraiment le temps de croire au père Coca Cola.



La-belle-affaire.



-Et ton jour de l’An alors?
-L’enfer, on s’est retrouvés à pas avoir de métro et à s’embrasser dans la rue alors qu’il faisait -4.
-Ah ouais, dur.
Et toi?
-Moi: in-cro-ya-ble: on était dans une grande maison avec un feu de cheminée et du champ’ à gogo.

-Han, la chaaaaaaance.


En effet, je ne considère pas plus grave de me les peler le 31 qu’un autre jour et, en effet, il m’arrive de boire du champagne dans une grande maison plus souvent qu’une seule fois dans l’année.


La-belle-jambe.

-Et l'esprit de famille t'en fais quoi?
-Heu, des serpentins non?
-Non mais sérieusement.
-Sérieusement, t'es sérieuse?
-L'esprit de famille de Noël, quand même!
-Ah mais parce que l'esprit de famille c'est 1 fois par an? Ah, bon, moi je croyais que la famille c'était justement tous les jours. Les gens que je dois voir obligatoirement une fois par an, je crèverai avant de leur donner le petit nom de "famille".
-Mais, et les cadeaux? T'aimes pas ça les cadeaux?
-J'aime pas avoir à chercher les magasins où les changer, en fait.
-Mais, y'en a toujours qui marquent le coup, c'est Noël quand même.
-Ah parce que ça aussi, les cadeaux, c'est qu'une fois par an?
-Non mais tu vois c'est symbolique quoi.
-Symbolique de quoi au fait, rappelle moi.
-...
-Le seul symbole que je vois rattaché à cette date, c'est la naissance d'un type qui représente une religion à laquelle tu ne crois pas -dis moi si je me trompe- récupéré par un système bienheureux de pouvoir en faire sa vache à lait -dis moi si je me trompe-.
-Mais alors t'aimes pas Noël?
-Nan. Et, tu sais pas quoi? je suis pas la seule même que. Un jour on sera des millions et on inversera l'ordre des choses et les écrans plats, les petits bracelets et les chèque cadeaux feront moins les malins.

Et puis les festins qui terminent en réglement de comptes entre deux cousins que tout a toujours séparé... très peu pour moi.



C’est toute cette hargne qui sort de mes index, mes annulaires et mes majeurs alors que foncièrement, là, je suis bien. Même si je ne tape qu’avec 3 doigts.

Foncièrement j’aime cette période de l’année pour sa beauté figée et la nuit, synonyme de chaleur et de fêtes ou de couettes et de galipettes, qui tombe plus tôt. J’aime l’engourdissement de mes joues et le sang qui fouette mes oreilles. J’aime le sentiment que ma maison est impénétrable, derrière mes fenêtres, quand la météo daigne nous offrir quelques flocons.
J’aime même les démarches de colvert qu’on adopte prudemment quand on doit affronter les dits flocons transformés en boue glissante.
J’aime l’idée qu’une nouvelle année arrive, c’est toujours ça de pris et toujours ça de perdu, c’est aussi l’occasion d’admettre qu’il n’y a pas que pour moi que le temps passe et de réaliser que je n’ai pas la pire des façons de le dépenser.

Mais je suis parasitée à droite à gauche et de haut en bas. Ca ne parle que de vent. C’est partout et tout le temps, à la radio, dans les journaux, dans des bouches que j’aime embrasser, dans l’air, dans l’ère, et j’étouffe en hiver comme au milieu d’un été embouteillé à Mexico.


Oh et puis, toutes ces coutumes, toutes ces habitudes, ces calendriers ... comme si on en n'était pas déjà empêtrés à tout bout de champ.
J’aimerais juste que ce satané mois béni soit consacré à manger du foie gras, à boire du vin, qu’on m’apprenne à lancer un feu de cheminée aussi, et qu’on garde les beaux sentiments pour les 363 autres jours délaissés. Si c’est pas trop demander au type barbu pour tous les petits rhésus. Même s'ils sont pas des anges.



Merry Christ my ass.

-maispastrop-

1 commentaire:

Unknown a dit…

j'aime beaucoup ce blog. Définitivement.