Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.

Heureuse sans raison, le bonheur sans prévenir.
La joie, peut-être, plus modestement.
Le bonheur est un grand, un gros mot, il ne faut pas être vulgaire sans raison, ça choque les enfants, les vieux et les oreilles virginales, ce qui est loin d'être mon intention puisque précisément, c'est avec les vierges, les vieux et les enfants que je me sens connectée comme par l'influence du cosmos. Cosmos qui aurait tout à coup décidé que ce serait mon tour, pour un petit moment de manège, de trouver ce bout de ciel beau, de m'émerveiller sur la douceur de vivre au début du mois de mai, d'incroyablement vouloir distribuer ma gaieté, depuis mon balluchon, aux nécessiteux.
Un peu pour vous ma bonne dame.


Ouhla et puis toi, avec cette vilaine tête, il t'en faut pas mal aussi. Prends donc. Mais si, bon sang, prends, je te jure, tu peux décemment pas passer à côté d'une opportunité pareille.

Distribuer à gogo sans compter, insouciante de ce qu'il restera pour moi parce que je m'en fiche: de toute façon, je le produis, je le sécrète, c'est un puits sans fond de sourires et d'accolades fraternelles dont mon corps et mon coeur abondent.

Mais je ne suis pas vraiment moi. Parce que moi je suis vraiment pas comme ça.

On a du poser un filtre sur mes rétines ou installer des oeillères au coin de mes tempes. Je ne me dis pas pour autant que ça ne va pas durer et qu'il faut que j'en profite un maximum avant que le charme ne retombe ou ne se lève, au contraire, sur un autre veinard. C'est le secret de ma joie: le temps glisse sur moi comme s'il n'allait jamais abîmer les fossettes de mes lèvres retroussées sur l'avenir.

Un rien peut me faire basculer de l'autre côté, obscur, et me replonger dans l'austère réalité. Dans le gris qui a envahi le ciel et qui s'accorde avec le zinc des toits de la ville, et mes yeux, peut-être.
Une marche mal anticipée, une porte qu'on me referme au nez, un coup d'oeil à mon compte en banque. Les occasions et les peaux de banane ne manquent pas, mais moi, je compte les manquer, finement, passer à côté d'elles sans faire de bruit ni leur accorder aucune sorte de valeur, les ignorer, en somme. Les ignorer copieusement jusqu'à demain qui n'est qu'un autre jour, il paraît.
Et demain, promis, je ferai la gueule avec vous, dans le métro; je m'énerverai au téléphone contre l'incompétence des conseillers EDF; je pesterai dans la file d'attente du supermarché et me couperai l'index avec l'épluche légumes la où ça saigne diablement qu'on savait même pas qu'on avait autant de vaisseaux hyperactifs, ici. Même s'il faut, pour ce faire, beaucoup de bonne volonté.
Je ferai tout ça, ok, mais demain seulement.
Juré, je serai, comme à mon habitude, exécrable au réveil et pas commode jusqu'à midi. Après quoi, il vaudra mieux ne pas trop m'approcher parce que la faim commencera à me creuser l'humeur. En phase de digestion, j'aurai pas grand chose à dire et ensuite, j'aurai envie de dormir, du coup vos mots insignifiants me fatigueront les oreilles. Vers 18h, étrangement, je ressentirai un début de première satisfaction de la journée à voir tous ces ploucs s'agglutiner dans des wagons suintants pour rentrer dans leur meublé afin de ne pas rater la rediff' d'une série forcément policière. A 20h, enfin, mon premier sourire arrivera avec mon premier verre de vin. Après quoi, soit j'en boierai un 2° et je rentrerai raconter ma vie misérable sur un blog, soit j'en boierai jusqu'à ce que la Bourgogne soit à sec et je me réveillerai -si je me réveille- avec une tête qui conjuguerait magiquement les principaux traits du phoque et ceux de Mickey Rourke, à peu près.


Ce qui n'est pas pour arranger mon humeur, qui, comme je viens de le dire, n'a pourtant pas besoin de ça.
Alors, laissez moi jouer à l'heureuse jusqu'à demain.

D'ici là, veuillez s'il vous plaît ne pas embouteiller la route qu'emprunte mon petit nuage.

Je n'y suis pour personne.

-maispastrop-

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Que ce petit nuage qui file dans le ciel assombri ne rencontre pas de perturbation... Je pense souvent à vous et aux histoires qui ne commencent pas... quand je fume des cigarettes jusqu'au filtre et quand je me délecte de ça comme ce fut le cas ce week end :

http://farm4.static.flickr.com/3143/2281391967_625cb0e460.jpg?v=0

Je ne suis personne !
Bien à vous...

C.