La Ville Trou

Ici, Paris.

Ca a l’air d’une grande foire aux fous, surtout quand on rentre de Trouville.
Trouville sur Mer, j'entends. Ca a son importance.
Dès le quai de la gare, on n'a pas le temps de dire "ouf".... d'ailleurs, personne ne dit plus "ouf" en sortant du train mais "où est ce que j'ai mis ce satané paquet de cigarettes?"
Dès le quai de la gare, on n'a pas le temps de dire "où est ce que j'ai mis ce satané paquet de cigarettes?" qu'il y a déjà des gens vraiment partout, presque sur nos pieds, peu d'espace de trottoir disponible, une agitation salariale, syndicale, républicaine, post-punk dans le fond à droite et une tension sexuelle palpable, en opposition avec ces dernières 48 heures de promenades sur les marchés aux poissons, de thés trop chauds bus au ralenti vue sur la mer qui monte et descend pendant qu'on se fiche que le temps passe parce qu'on n'a pas d'urgence, de baignades timides mais courageuses, emportés par la houle et pas du tout la foule.

Paris donc, bonjour, bonjour le bordel.

Mais le métro schmoute admirablement bien, je le respire à pleins poumons et je jubile devant les insultes que s’échangent mécaniquement les passagers, mes semblables. Certains d'entre eux s'attardent, jaloux, sur les tâches de rousseur que le soleil a préféré dessiner sur mon nez plutôt que sur le leur. Ca ne me dérange pas, regardez moi de haut en bas de long en comme vous voudrez, divergeant pourquoi pas, peu m'importe. La carapace réapparaît tout de suite, dans cette ville; elle est fournie avec le billet, une sorte d'assurance. Allez-y, ça glisse.

Quel dommage que tout cela se termine dans un arrondissement quelconque, le XIIIe pour ne pas le citer, côté avenues et portes à veau l’eau. Quel dommage que cette débandade s’éternise dans un appartement, le mien, le premier et le dernier à m’infliger un rez-de-chaussée et aucune vue possible sur les bousculades de l’après-midi et les solitaires de la nuit. C'est décidé, la prochaine fois, j'habiterai en haut de l'immeuble, là où y'a rien au dessus et vous tout en dessous.
Quand j’éteins, que je me couche, je suis entourée d’une grande brume impénétrable de silence ; Toute forme de vie aurait disparu que ce ne serait pas plus calme. Pour mon salut, les ras du sol de la ville ont le grand privilège de recevoir les frissons des trains de cargaisons du métro, rares mais costauds; ils me rappellent qu'il y a âme qui vive, quelque part, même si elle s'ennuie mortellement.
Heureusement, j’ai choisi un train du soir et l’émotion suscitée par les retrouvailles avec la capitale m’a suffisamment épuisée pour qu’à peine arrivée, je m’écroule et, sitôt après, m’endorme.
Un brouhaha me sort de mon sommeil, mon cher sommeil, mon sommeil chéri, on m'arrache à toi via du boucan de ménage que le concierge fait dans la cour. Sans me faire la cour, bien au contraire. Merde, ses étrennes, il peut se les mettre où je pense, bien qu'à cette heure matinale, j'aie du mal à penser à quoique ce soit, vous voyez ce que je veux dire.
Ca y est, tout revient. J'avais pourtant oublié tout et tout le monde ces derniers jours, les priorités parisiennes ne pesaient plus rien face à celles de la Normandie, je pensais "mer", "poissons", "sable", "crevettes" et "iode" de tout mon coeur. Mais tout revient. Tout revient toujours.

Tout ce dont je me suis remplie, tout cet air pur qui recouvrait, balayait même, la crasse de la ville....tout disparaît au premier claquement de doigts de la capitale, ça fait ça avec l'amour de notre vie, on obéit, on est là tout de suite disponible comme avant, à l'heure au rendez-vous, au garde à vous.

Le son du hall semble ne m'avoir jamais quittée, on dirait qu'il est payé pour faire s'enchaîner mes pensées sur des choses autrement moins balnéaires. Ca y est, tout revient et moi avec.

Moi et cette idée, audacieuse, d'essayer un jour de vivre sans lendemain. Demain, je ferai celle qui n'a pas d'obligation, demain, je traînerai dans le quartier en ne prenant que les rues que je n'ai jamais empruntées, en m'arrêtant partout, en parlant à tout le monde. Et, quand l'occasion se présentera, je l'attraperai pour faire de cette journée un moment incroyable, différent, inoubliable. Un de ces moments qui requinque. Une bouffée d'air pur, une grande respiration au bord de la mer un peu agitée. Demain, je repartirai à la Gare en direction de Trouville et quand le controleur me demandera si j'ai un billet de retour, je sourirai sans rien dire; consciente que la bonne réponse aurait du être "surtout pas " et que la vraie réponse sera "oui, en seconde, avec un changement à Lisieux".


-maispastrop-

1 commentaire:

bapt wolf a dit…

Ouahou, ça date!
T'as pas changé dans ta tête.