Ma pépinière, ma pépite.


J’ai connu un homme. J'ai connu cet homme que personne ne comprenait, seulement moi. Moi je le comprenais comme personne. En tout cas, c’est ce qu’il disait et j’aimais le croire alors d'accord, je prenais ça, comme ça, dans la gueule, dans le cœur.
Il parlait de la vie, il la vivait, il riait, il dansait et n’avait pas vraiment besoin de boire pour être soul. J’aimais l’indécision, ou le manque de précision avec lequel il avançait dans la vie. De loin, on aurait pu croire qu’il titubait ; en vrai,en se rapprochant, on comprenait qu’il s’arrêtait sur tout et tous, papillonnait, bifurquait, revenait, hésitait, tournait, repartait.

L’air de rien, tous ces mouvements indécis mis bouts à bouts, ça donnait quelque chose de tout à fait respectable ; et, je dis « respectable » pas seulement en tenant compte de mon unique point de vue, tout le monde était d’accord pour « respectable », même en connaissance de la vraie définition du dictionnaire écrit par des gens très … respectés.
Tous disaient « respectable » y compris ceux qui n’y comprenaient rien. A savoir, la terre entière à part moi. En fait, ils disaient comme moi, ils pensaient comme moi, au sujet de cet homme, parce qu’ils avaient compris que j’étais la seule à savoir.
A avoir compris et accepté qu’il voulait seulement savoir ce que ça faisait d’être libre.

Et puis, c’est toujours comme ça... les histoires jolies mais pas définies, trop floues, la main du sort les juge trop…marginales, alors elle les met à l’épreuve.
Et puis, c’est toujours comme ça... les gens un peu flous, ivres de nature et loin du monde, ses tours et ses 24 heures, ils ne prennent jamais les avertissements de la main du sort au sérieux, ils continuent. Comme si de rien. N’été. C’est des âmes de soleil, de chaleur, ils fleurissent en nous et les graines sont inestimables. Ca pousse dans tous les sens, faut faire de la place pour les nouveaux bourgeons et décider des mauvaises herbes à déraciner et jeter par dessus l’épaule.
Il fait de nous son jardin secret, on est suspendus. Babylone et Paris sont ses couffins, il y dort, les joues roses et le souffle court, pendant qu’on veille sur la tranquillité de son futur. Plus que tout, là, on le réalise: on veut qu’il y arrive.

A quoi ?

Mais, enfin, à tout!

Parce que lui, il peut Tout. Il a tout, dedans ; peut-être est ce pour cela qu’il n’est pas pressé.

Alors la main du sort, hargneuse, véxée aussi de n’avoir pas été prise au sérieux, revient et rase tout.
La chimio des champs de blé dans lesquels on devait tous courir, c’était prévu, on avait dessiné les plans des maisons : rasé. Elle a séché les vignes, mis feu aux pins, arraché les boutures, écrasé le gazon. Y'a plus rien, plus rien. Queud’. Peanuts.

Qualques cacahuètes plus tard, l’apéritif aidant, on est capables de ne plus utiliser de métaphores à la con et de dire dans un élan pulmonaire héroïque « il est mort ». Les autres nous regardent tout rond, à croire qu'on n'a pas le droit de le dire, pourtant oui, il est mort. Je le répète.

Et c’est quand on le prononce qu’il revit, revient, la corolle s'ouvre, les pétales frétillent, les pistils bandent, les pousses verdissent et les racines débordent.


Personne ne le voit mais nous, on le sait, il a fait de nous un terrain fertile alors qu’on se sentait comme une zep depuis qu’il nous avait quittée. Il nous a jeté un sort. Il nous a condamné à savoir que personne ne nous aimera avec autant de déraison, jamais.


Il ne se préoccupait que de moi, tout en n'étant qu'à lui.
Il se fichait pas mal de la mode, des expositions où il fallait aller, même les droits de l’homme, ça lui passait au-dessus, y avait que moi, moi dans son sourire immense et désordonné, rien d'autre que moi.
Comme un chat qui n’a qu’un seul maître sous ses airs de ne pas y toucher.
Son ronron entre mes seins manque à toute ma vie.

-maispastrop-

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