Artère et ventricule

En haut au fond du couloir à gauche

-Qu'est ce qu'il t'es arrivé aujourd'hui à l'école?
-J'ai eu une tachicardie d'amour.
-......... C'est à dire?
-Ben, c'est à dire:mon coeur est allé très vite à la vue de l'être aimé.
-...
-Joachim il s'apelle.
-.....
-Rien que de le dire, ça me rend tout chose.


Joachim, qu'est ce qu'il est devenu, lui, on se le demande. Encore un type lâché dans la nature que je ne reverrai jamais; il faudrait que beaucoup de dieux s'accordent, et puis quelques fées avec, pour que je retombe sur l'ancien tombeur de ces dames de l'école primaire.
Même pas sure d'en avoir vraiment envie, ça me ferait un effet miroir dont je doute un chouia; je ne suis pas complètement certaine que ce retour vers le passé me rassurerait sur le futur, puisqu'il faut être plus claire. Ca me rappellerait celle que j'étais, celle à qui aujourd'hui je mens un peu, et certains jours, dès le matin, avant le café. J'ai pas tenu toutes mes promesses vis à vis de cette gamine là, ça donne que j'ai pas hâte de la revoir avec sa moue et ses yeux réprobateurs.

La tachicardie d'amour, c'est quelque chose qui est resté. Depuis, je sais que ça s'écrit avec un "y": tachycardie. Comme si c'était pas assez compliqué comme ça, mettons y les lettres compte double pour brouiller les pistes. N'empêche, "y" ou pas, c'est resté. Ca me colle à la peau. Les amis de ma mère en ont fait ma signature, ils adorent, ils n'en peuvent plus, ils ressortent ça à n'importe quelle occasion, et, souvent mal à propos.
Et c'est le problème, ça fait un bail que ça a pas battu la chamade la-dedans. Si on compte pas la peur, parce que la peur ça fait la valse, si on compte pas le trop plein de cigarettes, qui fait le tango, qu'est ce qu'il reste?
Un jour je me suis dit, ok, faut y aller.
Je lui ai parlé, à mon coeur. Finalement, c'est le mien, on a quand même le droit de communiquer un peu entre nous-même. Je dis ça parce que je vous vois venir "elle parle à son coeur, ah bah d'accord". Oui, ben, oui. Pourquoi pas. On fait ce qu'on peut; et comme on peut.

Il a été assez réceptif, je m'attendais à plus de complications, je pensais "quand même c'est le coeur, un peu comme le roi, va falloir faire tout un char, il va se faire désirer", mais non, il était là, ouvert, à vif. Je crois même que si je m'aventurais à dire qu'il n'attendait que ça, je serais assez proche de la vérité. Mais je ne m'y aventure pas, parce que c'est pas le moment. J'ai la flemme de prendre des risques.

Et bah tiens, qu'est ce qu'il me dit, mon coeur?
De prendre des risques
Justement.
Je lui réponds que je ne veux pas le malmener.
Il fait "?" avec sa tête, je comprends qu' il comprend pas.
Alors, je précise.
Je dis que c'est quand même lui que je sollicite tout le temps, pour les moindres faits et gestes que je fais et même ceux que je ne fais pas. Je lui dis que non mais oui, c'est insensé, même si je fais rien, que je suis dans mon lit et que je m'imagine faire quelque chose d'assez dingo, un truc fort quoi, ça m'émoustille, et lui, il court pareil, il doit suivre le rythme dans ma tête, et c'est dément. Bref, je m'emballe.
Il me répond que je m'emballe. Et que ça le fatigue.
Je m'excuse.
Il me dit de ne pas m'excuser et de prendre des risques. Qu'il est là pour ça.

Ca m'énerve un peu alors je rétorque : "on tourne en rond avec ton histoire de risque (oui, je tutoie mon coeur), je prends des risques et ça devient risqué et toi, tu vas suivre comment? on est une équipe, je veux pas la jouer solo"
Il sourit à l'envers, comme De Niro. Ca me déconcentre un peu d'ailleurs, je pense à tous les films de Scorsese que je n'ai pas vus.
Je sens que j'ai touché quelque chose de sensible, le coeur du sujet, son talon d'achille. Il fume une clope. Il boit un verre de Médoc et puis il prononce: "Je suivrai comme je pourrai, tant que je pourrai. Tu ne peux pas savoir jusqu'à quand, ni comment, c'est précisément le risque que tu dois prendre. Donne moi un ultimatum."

J'ai un challenge, avec mon coeur. Il veut en voir de toutes les couleurs et je veux le lui offrir son arc en ciel. Il le mérite. Enfin, je veux dire, je lui dois bien ça. Il bat trop fort, il peine à assurer les 6 étages mais il veut sa tachycardie avec un "i", celle de quand j'étais petite.
Alors je la lui donnerai.
Dans un beau paquet, même s'il est fait à la va vite, haletante, je prendrai le temps de mettre les jolis rubans que les petites filles aiment tant et qu'elles oublient, à cause du temps.


-maispastrop-

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